Pêche augmentée d’un zoo (celui de Khlebnikov) / Bamboule / Hihi-ronvoir / Marc Bloch / VITCRASAMET / Etc. [Lettre d’information Pontcerq, 18 avril 2024]

1) Le 3 mai prochain paraîtra chez Pontcerq Pêche à pied de Dominique Meens, grand livre s’il faut, quand on est l’éditeur, dire ce qui est. Pêche à pied est de surcroît flanqué d’une traduction du Zoo de Khlebnikov, que Jim Skull s’est permis de graphier, à la manière d’un sauvage (et par conséquent de manière non non-humaine – comme on verra, si on va voir).
     Mais qui croire plus assurément quand quelqu’un écrit « grand livre » : l’éditeur qui l’a à vendre (l’a sur les bras) ? le journaliste qui ne vend rien (mais ne vend-il pas cependant son journal) ? Ou vaut-il mieux encore croire le lecteur dit « idéal », la lectrice « en son coin » ?
     Le livre de Dominique Meens sera disponible dans les librairies le 3 mai. Et iront voir celles et ceux qui iront voir. (Hi-Hi.)

 

Pêche à Pied

 

Voir [ici].

 

2) Dans Berlin est affiché depuis plusieurs mois mais non par nous cet extrait de Bambule, qui (sagement) ne dit pas le nom de son auteur – ce nom étant épouvantail en RFA unifiée : et l’épouvantail est depuis l’automne 2022 très souvent ressorti dans les journaux (déclarations de Alexander Dobrindt, député ; ou de l’experte en terrorisme allemand, Bettina Röhl) pour disqualifier les oppositions un peu décidées aux politiques gouvernementales.

IMG_2930-bambuleRue de Varsovie, Berlin (nuit du 17/12/23).

Texte de l’affiche : « Si tu t’plies à leur ordre, alors t’es foutue, finie, et alors ils sont contents de t’avoir achevée ; c’est pour ça qu’après ils sont gentils avec toi, parce qu’ils t’ont brisée. » (Irene, in Ulrike M. Meinhof, Bambule, Berlin-Ouest, Wagenbach, 1971, p. 94, n. t.)

La phrase est dite ici à la toute fin du film (en 1h26min501h27min) (quel beau film !) par Irene, rentrée au foyer avec les cheveux courts et blonds que lui ont coupés et teints Heidi et Jynette (en 55min3856min10), à Iv, sa camarade, qui ne l’a pas quitté, mais visiblement un peu chahuté – avec d’autres (en 1h17min561h19min30).

Voir le film [ici].

Bambule a-t-il été jamais montré en France ? Nous tâcherons de le faire à Rennes. Que ceci vaille avis et proposition, pour qui pourrait.

 

3) Descente en stabi. Berlin, Unter den Linden. Pontcerq soutient et relaie l’action initiée par un groupe de lecteurs et lectrices de la Bibliothèque nationale de Berlin (Staatsbibliothek, site d’Unter den Linden), notamment en mettant à disposition, pour image, une cruche (parue la première fois [ici]) ; et en se fendant, pour exergue, d’un détournement de Tucholsky (« Die Freie Wirtschaft »). Le tract, distribué ces dernières semaines dans la grand-salle de la Bibliothèque est à lire [ici] en langue originale. (Ou [là], en français.)

 

4) Le comité d’action contre les compétences Pontcerq, en compagnie d’autres, a adressé un courrier au Centre Marc Bloch. On verra [ici] (paragraphe 7) la lettre, ainsi que la réponse faite par le directeur, Monsieur Jay Rowell, dès qu’arrivée.

 

5) La publication du livre Études et témoignages sur les manières dont Facebook aura contraint et forcé certains à ouvrir chez elle un compte a été définitivement suspendue par Pontcerq. L’explication de cette annulation – fait rare dans le monde de l’édition contemporain – est donnée à même la page de parution du livre : voir [ici].

 

soupe 03

 

 

6) Mais nous ne pouvons pas ne pas revenir un instant à ce film, pardon – et à son script… Dans le scénario, on lit : « Irene se tourne vers Gisela, lui fait dans le cou un baiser, un rien plus long [eine Idee länger…] que ce qu’il convient ordinairement. » (p. 23) Ce qu’on voit en 8min058min27. En revanche, la scène de la classe, montrée en 3min114min10, était décrite ainsi dans le scénario : « Une fille attrape le bras de sa voisine et y regarde l’heure ; l’une a remonté un peu sa jupe et elle se dessine sur le haut de la cuisse une croix, avec des branches de sapin ; imperturbable, une fille dessine. » (p. 19) Le film, dont l’ARD avait programmé la diffusion en mai, est tourné par Eberhard Itzenplitz : en avril 1970, dit Klaus Wagenbach (on est étonné, quand même, de la quantité de neige pour avril). La scène du gymnase (devenue dans le film ceci : 30min2730min48), était écrite ainsi par Meinhof : « Une fille tient en l’air l’extincteur et arrose. Elle n’arrose d’abord que le sol, au petit bonheur. Puis elle remonte le long des espaliers. Elle vise ensuite le filet de basket, de sorte que le jet y entre par en haut. Le tout est accompagné d’exclamations de joie, de cris. Une fille ouvre le placard avec les agrès, lequel est arrosé à son tour. Elle vise – d’abord sans succès – les anneaux. Quand un jet passe juste dans un anneau, toutes crient. C’est le tour des barres fixes, des barres parallèles, de la table de saut, du cheval d’arçon. La chose devient plus systématique [Die Sache gewinnt System]. Une fille fait rouler à la ronde un gros ballon de gym. Le ballon est poussé par le jet de l’extincteur, tant que ça veut et comme ça peut, jusqu’à ce que la pompe soit vide. Les filles sont là, épuisées, heureuses, mouillées, désemparées. » (p. 41) À la buanderie : « Babsi. – Et mes mouchoirs ? / Frau Schröder. – On les finira après. / Babsi. – C’est toujours “après”. J’voudrais qu’une fois y ait quelque chose qui se fasse “tout de suite”. “Maintenant”. “Aujourd’hui”… » (p. 61 – c’est fidèlement dans le film en 53min3053min40) Quand Monika apprend qu’elle va être renvoyée au couvent de bonnes sœurs (« det Kloster! »), les filles cherchent des idées (en 56min5057min16) : Iv a l’idée que Monika fera la lesbienne et qu’effrayées les sœurs la renverront aussitôt. « (Le visage de Monika s’éclaire.) » (p. 66) On a raconté (par exemple Wagenbach, postface, p. 95) que dans le film les filles jouaient leur propre rôle : c’est exagéré. Ou bien seulement les rôles muets ? Car les autres (Dagmar Biener, Barbara Schöne, Christine Diersch, Petra Schröder, Hansi Jochmann…) ont toutes ou presque déjà joué ailleurs avant. À moins qu’Iv, remarquable, fût en effet du foyer ? (Il faudrait enquêter…) « Une rue à Zehlendorf. [Quartier excentré, Berlin-Ouest, à forte présence américaine.] Extérieur/Nuit. Jynette et Irene marchent sur le trottoir. Elles avancent l’une derrière l’autre. Le trottoir est fait de grandes dalles quadrangulaires. Comme des enfants, elles avancent le long des traits [Striche] entre les dalles, tout en évitant de marcher sur les croisées. Jynette devant, Irene derrière. (Ou alors elles se balancent sur le rebord du trottoir.) « Irene. – Et si aujourd’hui c’était le jour de repos ? Jynette. – Mais non, pas le vendredi. Le vendredi c’est jour de paye. Irene. – Aussi chez les Ricains ? Jynette. – Ça j’sais pas. Irene. – Avec 50 marks j’m’en sortirais. Pour 50 marks, j’peux avoir des papiers. » Les deux jeunes filles font le tapin (Strich), entre les pierres. » (p. 81) Dans le film c’est en 1h11min491h12min20 : et pas de dalles ni de striche, mais de la neige… (Le panneau « school bus » signale le quartier américain.) (Ulrike Meinhof, page 83, localise plus précisément la scène à la station de métro « Case de l’Oncle Tom », aujourd’hui ligne 3.)

 

7) Série « Canopé et sa canothèque ». Épisode 4 [durée : 9 min 10]. « L’implication de l’élève dans les processus évaluatifs » [Parole d’experts].

RAPPEL DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS. Après que Nathanaël Wallenhorst, avec le sandwich, a remporté un si franc succès en octobre dernier (voir [ici], paragraphe 2), puis le mois suivant Michel Tiercelin et Jean Gévaudart (avec La Posture d’autorité) (voir [ici], paragraphe 8), c’était en janvier le docteur Christophe Marsollier qui intervenait sur l’implémentation des compétences psychosociales dans la population (voir [ici], paragraphe 3).

Pour voir l’épisode 4 immédiatement, cliquez [ici].

L’expert Canopé Lucie Mottier Lopez (chercheuse en sciences de l’éducation, directrice d’un grand centre de recherche pédagogique firctive à Genève, voir [ici]), tourne en ridicule dans un film parodique (où elle joue son propre rôle) les discours de ses collègues de sciences de l’éducation sur l’évaluation par compétences et l’autoévaluation permanente de tout acte d’élève passé, présent et à venir (par lui-même et par d’autres). Le comédien Michel Tiercelin, qui incarne Jean Duvillard à l’écran (cf. ci-dessus), intervient ensuite dans le sketch, sur la partie docimologique et sur les microgestes dont il a l’art – mais du film nous ne montrons ici que la première partie, faute de place. Quant à Catherine Pascual et Muriel Blandin-Jobard, elles n’interviennent pas ici – mais dans le film concurrent sorti sur la plateforme à peu près en même temps (voir [ici]), dont nous reparlerons, si besoin.

Il importe de situer l’enjeu de la satire accomplie dans ces sketches : Lucie Mottier Lopez défait efficacement le discours – très présent dans, sinon consubstantiel à, la pédagogie de la compétence – consistant à considérer qu’apprentissage et évaluation sont inséparables, qu’apprentissage et évaluation marchent ensemble, toujours : avec la pédagogie de la compétence, comme le déclarait Houchot et comme le soulignait Robine, « la question de l’évaluation » est placée « au cœur de l’enseignement » (« Rapport Houchot/Robine », Inspection générale de l’éducation nationale, « Les livrets de compétences : nouveaux outils pour l’évaluation des acquis » [rapport n° 2007- 048, juin 2007]) / Or ces déclarations ne sont pas que rhétoriques. « C’est bien en multipliant les situations d’évaluation d’une même famille au cours du cycle 4 que les enseignants pourront obtenir l’ensemble des informations nécessaires au positionnement des élèves, les résultats analysés constituant alors un faisceau cohérent d’informations. » (educscol, « Histoire-géographie. Travailler les compétences et évaluer la maîtrise du socle. Coopérer et mutualiser. [Cycle 4] », p. 2). / « des mécanismes […] qui, au lieu de venir “en déduction”, s’intègrent de l’intérieur à l’efficacité productive des appareils, à la croissance de cette efficacité, et à l’utilisation de ce qu’elle produit. Au vieux principe “prélèvement-violence” qui régissait l’économie du pouvoir, les disciplines substituent le principe “douceur-production-profit”. » (M. F., S&P, 1975, p. 220-221) / « Par nature, toute évaluation est un atout pour faire avancer, faire progresser vos élèves. » (« Évaluer les apprentissages : pourquoi ? », publié le 23 novembre 2023, sur le site reseau-canope.fr : voir [ici]) / « Enseigner, c’est évaluer. » (ibid.)

 

8) P1190805-mod

« Visiblement, la direction du foyer voulait empêcher [Ulrike Meinhof] de poursuivre ses recherches. Elle déclara à la commission du sénat [= Sénat de Berlin] que Ulrike Meinhof, suite à une discussion, aurait dit à une directrice du centre que la révolution était victorieuse parce que les groupes de travail des filles avaient déjà pris le pouvoir. Le conseiller chargé des affaires sociales G. notait, le même mois, avec humeur que ce que cherchait Meinhof c’était visiblement autre chose que seulement recueillir de l’information [dass es Meinhof offenbar mehr um als nur das Sammeln von Informationen ginge]. » (Jutta Ditfurth, Ulrike Meinhof, Berlin, Ullstein, 2007, p. 239, n. t.) Sur les relations entretenues entre Ulrike Meinhof et les filles du foyer de Eichenhof (à Berlin-Tegel ; devenu Lindenhof dans le scénario), par exemple avec Irene G**, voir dans le livre de Jutta Ditfurth pages 238-239. (« Wenn du wieder auf Trebe bist, kannste dich ja mal melden… »)

 

9) « Le feu passe au vert, une file de voitures s’apprête à démarrer, mais est empêchée : un enfant se trouve au milieu de la chaussée, pleurant, ne voulant plus avancer ; la mère cherche à convaincre l’enfant, mais ne le tire pas. La mère s’agenouille devant l’enfant, essuie ses larmes, lui donne un morceau de chocolat. Mais l’enfant reste où il est. Les automobilistes sortent leur tête par la fenêtre et font avec les mains et la bouche des mines pour amuser l’enfant. Le policier se place devant les automobilistes, leur signifiant qu’ils doivent attendre que l’enfant se remette en chemin. L’enfant caresse la mère, la console. La mère le prend tendrement dans ses bras et l’emporte plus loin. Maintenant le feu est repassé au rouge. Toutes les voitures démarrent. Le policier les regarde passer. Il offre sa casquette à l’enfant, qui, la casquette du policier sur la tête, s’éloigne en tenant la main de sa mère. Irene regarde s’éloigner l’enfant avec la casquette du policier sur la tête. Elle traverse la rue, passe devant une voiture qui pile en crissant. “Irene (à l’automobiliste, en lui souriant). – Pardon, veuillez m’excuser. Le chauffeur (furieux, moulinant pour baisser sa vitre). – Tu peux pas faire attention, espèce d’idiote [blöde Kuh] !” Irene reste de ce côté de la rue et continue à regarder en direction du Karstadt [c’est le magasin où travaille Gisela – celle du baiser dans le bus]. À ce moment-là, Gisela sort. Gisela regarde autour d’elle. Un jeune homme s’approche de Gisela, ils se saluent. Gisela regarde encore autour d’elle plusieurs fois, puis s’éloigne avec le jeune homme. Irene, déçue, les regarde s’en aller. Puis s’en va elle aussi. » (Meinhof, Bambule, p. 69-70) (La scène est tournée très différemment en avril 1970 : voir [ici] en 59min59min53).

 

Cras amet qui nunquam amavit quique amavit cras amet.

 

 

Pontcerq
18 avril 2024

 

 

 

 

 

 

 

 

In einer kleinen Falschmünzerei
da saßen wir zwei
bei Kupfer und Blei.
Du sprachst kein Wort,
kein einziges Wort…